Dans l’Union Européenne, les Etats Membres les plus avancés dans la décarbonation de leur secteur du chauffage sont également ceux qui ont investi le plus résolument dans les réseaux d’énergie thermique.
Un décret wallon « relatif à l’organisation du marché de l’énergie thermique et aux réseaux d’énergie thermique » a été voté par le Parlement wallon en octobre 2020.
En 2021, un AGW est venu compléter ce cadre légal, après une phase de consultation des stakeholders particulièrement intense.
Les performances énergétiques théoriques des réseaux d’énergie thermique font l’objet d’un arrêté ministériel du 20 mai 2019 sur les apports de chaleur externe, dont les fondements ne tiennent guère compte du vecteur énergétique utilisé pour produire de la chaleur.
La Wallonie s’est dotée début 2021 d’une nouvelle Stratégie « Réseaux de chaleur et de froid » témoignant d’une réelle prise de conscience du rôle fondamental que les réseaux de chaleur pourraient jouer dans la décarbonation de ce secteur en Wallonie, en estimant à presque 40% la part des besoins qui pourrait être satisfaite à meilleur coût en recourant à ceux-ci.
Une ordonnance « relative à l’organisation des réseaux d’énergie thermique » a également été votée par le Parlement Bruxellois en avril 2021.
Bruxelles Environnement a mis la présente législature à profit pour passer en revue l’état de l’art dans le domaine des réseaux d’énergie thermique et estimer les sources potentielles de chaleur verte disponibles sur son territoire.
Les autorités bruxelloises semblent comprendre l’intérêt des réseaux de chaleur, mais elles cherchent encore, de toute évidence, le meilleur moyen de pousser plus résolument le secteur de la chaleur dans cette direction. Plusieurs projets sont néanmoins en train de voir le jour en RBC, dont celui, alimenté par la géothermie, du quartier U-Square, à Ixelles.
ENJEUX POUR LE SECTEUR
Une amplification rapide et significative de la transition énergétique dans le domaine de la chaleur, s’appuyant notamment sur une sortie progressive des systèmes de chauffage recourant aux combustibles fossiles.
EDORA peut se réjouir d’avoir convaincu les Gouvernements wallon et bruxellois d’élargir le champ d’application de leurs décret et ordonnance sur les réseaux d’énergie thermique aux Communautés d’Energie Renouvelable en ouvrant ainsi des perspectives, qui restent cependant à confirmer, de partage local de l’énergie, également dans le domaine de la chaleur.
Bien que les stratégies de rénovation et de décarbonation de la chaleur des régions ne s’intéressent guère au rôle que des réseaux de chaleur plus ponctuels et de tailles modestes pourraient jouer dans les zones plus rurales disposant d’une ressource locale à faible prix (tels que ceux promus par la Fondation Rurale de Wallonie) ou dans les villes qui n’ont pas encore envisagé de master plan en la matière, ce segment nous semble mériter la même attention et le même soutien que les autres.
La mise en place d’un mécanisme de soutien spécifique pour toutes les sources de chaleur verte et les réseaux de chaleur, tenant compte des investissements de départ généralement élevés requis et des temps de retour sur investissement difficilement conciliables avec les impératifs de rentabilité à court terme des institutions financières et des porteurs de projet privé.
EDORA regrette également que les projets de PACE2030 ne précisent pas vraiment d’objectifs chiffrés et de mesures opérationnelles en la matière, en lien notamment avec les projets de rénovations par quartier.
Pour voir de plus en plus de réseaux d’énergie thermique et des boucles d’eau tempérée se déployer d’ici 2030, il faudrait que les Gouvernements fassent en sorte que :
toute « rénovation groupée » ou « rénovation par quartier »,
toute intervention d’une certaine importance sur les impétrants d’un quartier
tout chantier de réfection d’une ou plusieurs voiries d’un même quartier,
soient l’occasion d’envisager, par exemple via l’organisation d’appels d’offres ou d’appels à projets systématiques, le décommissionnement progressif ou le déclassement du réseau de gaz local au profit de la meilleure alternative envisageable, en fonction des circonstances, dans la liste suivante :
le tout aux PACs aérothermiques (en cas de besoins en chaleur suffisamment limités),
le tout aux PACs aérothermiques, mais avec appoints biomasse ponctuels,
les PACs sur boucle d’eau tempérée alimentée par une ou plusieurs sources de chaleur verte diffuses (géothermie, aquathermie, riothermie, chaleur fatale, etc.
le réseau de chaleur à proprement parler (sans production de chaleur décentralisée via PACs).
EDORA a longtemps plaidé, avec succès finalement, en faveur de modifications des lois et des statuts fixant les prérogatives et responsabilités des GRD wallons, afin de transformer ces entreprises publiques en gestionnaire de réseau multi-vectoriel, tout en exigeant bien sûr (mais avec moins de succès, malheureusement) un strict unbundling entre leurs activités de gestionnaire de réseaux et la production d’énergie thermique proprement dite ;
De la même manière, les compagnies de distribution d’eau devraient être encouragées à envisager ou à poursuivre leur diversification dans le secteur de la riothermie.
POSITIONNEMENT D’EDORA
Alors que la Wallonie dispose dorénavant d’une législation relativement opérationnelle en matière de réseaux de chaleur et d’une « Stratégie de réseaux de chaleur et de froid » de la Région (Mars 2021), EDORA a régulièrement pointé l’absence de mécanisme de soutien adapté à la durée de vie importante des équipements concernés.
Le Ministre wallon de l’Energie a lancé, à l’automne 2023, un vaste appel à projets, doté d’un montant de 30 millions d’euros, en vue du déploiement d’un certain nombre de nouveaux réseaux de chaleur, dont les 12 projets lauréats ont été annoncés en avril 2024.
Dès lors que la « Stratégie réseaux de chaleur et de froid » admet que l’extension et la concurrence du réseau de gaz naturel sont une entrave sérieuse (une « Menace ») au développement des réseaux de chaleur (en plus de « coincer » les consommateurs concernés pendant de nombreuses années (effet de « lock-in »)), EDORA n’a eu de cesse, notamment dans sa note de positionnement de juin 2023 sur une éventuelle stratégie wallonne de sortie du gaz fossile, de recommander aux autorités wallonnes :
de prévoir un terme à l’extension dudit réseau de gaz naturel, si ce n’est pour le raccordement d’installations de biométhanisation ou, durant une période de transition à préciser, pour l’alimentation de procédés industriels difficiles à électrifier ou de cogénérations de qualité
encadrer les diverses formes de promotion du gaz fossile : publicité, gratuités, rabais, etc.,
confier aux GRD de vraies responsabilités en matière de déploiement des réseaux d’énergie thermique,
imposer aux GRD une stricte séparation verticale en matière de réseaux d’énergie thermique,
Enfin, dans le cadre du projet de plan de développement des réseaux d’électricité et de gaz de Sibelga pour la période 2024-2028, EDORA a :
demandé plus de clarté quant à la nature des investissements à réaliser, en fonction de leur finalité, en distinguant le financement de nouveaux équipements, des types d’entretiens nécessaires, ce qui permettrait de distinguer les endroits où le réseau doit être entretenu, de ceux où il ne doit plus être maintenu,
questionné la place de l’hydrogène dans les plans du GRD,
invité le GRD bruxellois à s’intéresser davantage à l’utilisation de réseaux d’énergie thermique, combinée aux pompes à chaleur géothermiques et hydrothermiques, qui permettraient de diversifier les sources de chaleur tout en évitant une surcharge du réseau électrique.
EDORA a entrepris fin 2023 une tournée des GRD bruxellois et wallons, dans le but d’encore pouvoir dégager l’un ou l’autre compromis sur les ultimes dossiers « réseaux » de la présente législature et de préparer la suivante, en nous appuyant notamment sur les solutions prônées dans notre mémorandum.
Des réunions ont tout d’abord eu lieu avec la direction de Sibelga, au sujet de l’avenir du gaz et des réseaux (d’électricité, de gaz et de chaleur) en RBC. Il s’agissait surtout de démystifier le futur rôle potentiel des gaz verts dans le chauffage des bâtiments et de vérifier l’intérêt de Sibelga pour le déploiement alternatif de réseaux d’énergie thermique. Le résultat est un Mémorandum 2024 de Sibelga qui apparaît comme un virage à 180° sur ces questions.
Côté wallon, EDORA a rencontré les directions de RESA et de ORES en vue d’un échange de vues :
sur la stratégie wallonne de sortie du gaz fossile et l’opportunité d’un mécanisme de soutien alternatif pour le biométhane et les éventuels méthanes de synthèse via une norme d’incorporation obligatoire dans le gaz naturel distribué,
sur le rôle éventuel des GRD wallons dans la « chaîne de valeur » chaleur verte,
sur le statut de leurs éventuelles futures activités futures dans les réseaux d’énergie thermique (activités régulées ou non-régulées).
Dans son avis relatif à la révision des décrets Gaz (et Electricité) visant notamment à permettre aux GRD wallons d’être opérateurs de réseaux d’énergie thermique, EDORA a plaidé en vain, d’une part, pour qu’une telle mission relève des activités régulées des GRD, et d’autre part, pour que les GRD ne puissent produire et/ou fournir de la chaleur que dans des conditions strictement limitées, afin de garantir un fonctionnement équitable de ce(s) marché(s) (principe de séparation verticale). Le déploiement et l’exploitation de réseaux d’énergie thermique à cette échelle sont en effet des monopoles naturels, fondés sur des actifs non duplicables présentant une durée de vie d’une cinquantaine d’années, au bas mot. L’encadrement de ces activités devrait donc également s’accompagner d’une extension des missions de la CWaPE, sur le modèle de la VREG, par exemple.